Le Degré supplémentaire – Lettre d’Infos #02 [Aout 25]
🟠ÉDITO
« La pause ? Du temps perdu ou du temps déployé ?»
Dans nos rythmes effrénés, la pause semble parfois suspecte. Comme si ralentir, s’arrêter, lever le pied signifiait perdre du terrain.
Pourtant, à bien y regarder, la pause est une mécanique fondamentale du vivant : la nuit succède au jour, l’hiver à l’été, l’expiration à l’inspiration.
Dans nos vies aussi, elle prend mille formes — la micro-pause d’une respiration profonde entre deux réunions, la pause déjeuner où l’on décroche vraiment, les vacances qui rechargent, ou encore la grande pause de la retraite, qu’on espère choisie et non subie.
Ce mois-ci, nous avons voulu explorer cette idée simple et pourtant contre-intuitive : et si s’arrêter était une stratégie de robustesse pour durer … malgré tous les aléas ?
Que nous disent les neurosciences, le droit du travail, l’art, le sport, la médecine, sur la nécessité de faire pause ? Et surtout, comment transformer cette nécessité en véritable ressource pour vous et vos équipes ?
Prenez un instant. Respirez. Vous êtes au bon endroit.
Marie-Laure

La pause s’impose : et si c’était là que tout commençait ?
Le poète Jean Cocteau écrivait : « Le temps, c’est de l’éternité pliée ». Faire une pause, c’est peut-être ouvrir ce pli, ralentir pour mieux comprendre.
Alors, faire pause ne serait pas une faiblesse, mais une véritable stratégie.
Dans un monde où l’on valorise l’agitation et l’hyperconnexion, la pause est souvent reléguée au second plan. Pourtant, toutes les études convergent : savoir s’arrêter au bon moment est un levier d’efficacité, d’innovation et de santé mentale.
Et d’ailleurs, voici ce qu’en disent divers champs disciplinaires :
Les neurosciences nous montrent que faire pause permet de consolider la mémoire, de baisser le niveau de cortisol et d’activer des zones du cerveau liées à la créativité.
Le droit du travail, lui, encadre légalement le temps de pause, car il reconnaît sa nécessité pour préserver la santé des salariés.
Dans le sport, les temps de récupération sont aussi importants que l’effort lui-même : c’est pendant la pause que le muscle se reconstruit et progresse.
En médecine, on parle de « pauses protocolaires » dans les blocs opératoires ou les soins d’urgence, car elles diminuent les erreurs humaines et protègent les équipes du stress chronique.
Et dans l’art, comme chez Pina Bausch ou Pierre Soulages, la pause est un moment-clé : elle donne du sens au geste, elle révèle l’espace, elle fait surgir l’émotion.
Autant d’indices que faire pause n’est pas un luxe, mais un levier d’équilibre et d’efficacité durable.
1. La pause dans la journée : micro-rituels, maxi-effets
Des chercheurs en psychologie cognitive (PMC, 2022) montrent que notre cerveau atteint un pic de fatigue après 50 à 90 minutes de concentration. Sans pause, attention, créativité et mémorisation chutent.
👉 La solution ? Des micro-pauses régulières (3 à 5 min), où l’on se lève, respire, observe, ou tout simplement ne fait rien. La méthode Pomodoro (25 min de focus + 5 min de pause) a démontré ses effets sur la consolidation de la mémoire.
🧩 Exemple : chez Toyota, les opérateurs sont encouragés à effectuer de courtes pauses de recentrage toutes les heures. Résultat : moins d’erreurs, plus d’engagement.
2. La pause moyenne : repos ou réinvention ?
Les vacances ne sont pas du luxe, mais une nécessité biologique. Une étude de Malakoff Humanis montre qu’un salarié qui prend ses congés annuels est 30 % plus concentré dans les 3 semaines qui suivent. Mais au-delà du repos, la pause plus longue peut devenir un moment de recul stratégique.
🧭 Exemple : Satya Nadella, PDG de Microsoft, est connu pour instaurer des temps de silence dans son agenda avant chaque décision clé. Ces « pauses productives » lui permettent d’évaluer les enjeux avec plus de lucidité.
3. La grande pause : retraite, sabbatique, ralentissement
La retraite n’est plus seulement une fin : elle peut être une renaissance. Beaucoup de dirigeants utilisent ce temps pour écrire, transmettre ou repenser leur contribution sociale. C’est aussi un miroir du rapport que nous entretenons à l’utilité, à la temporalité, au vide.
🎨 Résonance artistique : Le peintre Pierre Soulages évoquait son travail comme un jeu de tension entre le noir et la lumière. L’arrêt, dans son geste, n’est pas une rupture mais une ouverture. Une pause vers l’inattendu.
4. La pause imposée : quand la vie décide pour nous
Certaines pauses ne sont pas choisies : cessation d’activité, burn-out, accident …
Le cabinet Altares a relevé plus de 16 500 défaillances d’entreprises au 2ème trimestre 2025.
Par ailleurs, En 2025, 1 salarié sur 4 se déclare en mauvaise santé mentale (Baromètre Santé mentale et QVCT, 2025) ce qui entraine des arrêts maladie
Ou parfois, quand on pousse trop sur la machine, le corps lâche et l’accident se produit … nous obligeant à s’arrêter !
Dans tous cas, ces pauses forcées nous rappellent que ni l’activité, ni le travail, ni la vie ne sont toujours linéaires.
On pourrait s’enliser dans un sentiment d’injustice, de colère, de questionnements incessants : ‘« Pourquoi cela m’arrive ? », « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? »
Mais force est de constater que ça ne nous amène ni soulagement, ni solutions.
Ce qui est intéressant avec la logothérapie, c’est son invitation à se demander : « Mais finalement, quelle est la question que la vie me pose à travers ces expériences ? ».
Et ça change tout :! Ô bien-sûr, on n’a pas la réponse tout de suite, et un accompagnement extérieur facilite le chemin …
Cette pause imposée nous confronte à nos limites… et à nos potentiels de renouveau !
Et on peut alors découvrir que c’est une étape, une transformation … salutaire !

❓ZOOM — La question du mois
«Impossible de m’arrêter, j’ai l’impression que le monde va avancer sans moi, que je vais louper quelque chose. Pourquoi cette injonction de prendre des pauses ça me donne des vertiges? Et comme je n’aime pas, je suis toujours en mouvement »
C’est un sujet sensible que cette ultra activité qui nous donne le sentiment qu’on est toujours dans le mouvement, que cette constante dynamique nous assure de rester au point, proche de ses clients, alerte sur ses projets, etc …
Une clé pour comprendre : savez vous d’où vient le terme de ‘vacances’ ? du latin «vacare», être vide, avoir du temps, et de son participe présent «vacans», d’où vient le mot «vacance».
Alors oui, les vacances, c’est ouvrir la porte au vide, au ‘rien’ ! Et pourtant, si on observe le Vivant, il y a régulièrement ces temps où en surface, il ne se passe rien !
Observez un arbre en hiver. A première vue, rien ne bouge. Mais sous terre, les racines se renforcent. Les bourgeons se préparent dans le silence. La pause apparente est en réalité un temps de reconstruction invisible.
Ou si vous découvrez votre enfant en phases de sommeil profond, vous êtes impressionné par ce calme absolu, et pourtant ce sont les phases les plus actives pour le développement cérébral. Rien n’est visible, tout se joue en profondeur.
En fait, accueillir le vide, c’est être en face de notre essentiel, de notre intérieur !
Et oui, ça peut faire peur ! C’est normal, nulle part on a appris – et expérimenté – que la pause est aussi un ‘mouvement’, dont la dynamique – invisible à l’œil nu – existe bel et bien dans la profondeur, et qu’elle est indispensable pour construire sa vie !

+40 % de productivité
➡ C’est le gain moyen observé dans les équipes qui pratiquent des pauses régulières bien structurées (source : Helloworkplace, 2023).
C’est vrai que de base, on a de la réticence à prendre des pauses. Elles sont souvent perçues comme une perte de contrôle.
Pourtant, la recherche en neurosciences est sans appel : un cerveau surchargé perd en lucidité, en créativité et en capacité d’adaptation.
Des pauses bien pensées (pas des scrolls TikTok…) permettent de réguler les émotions, de mieux gérer la pression, et de repartir plus concentré.
➡ En testant des micro-pauses de 5 minutes toutes les heures pendant 2 semaines, des équipes commerciales ont vu leurs taux de conversion augmenter de 18 %. 📌 Et si la prochaine révolution managériale commençait par en faire un rituel collectif et assumé ?

Pina Bausch, chorégraphier l’humain entre tension et relâchement
Pina Bausch (1940–2009), immense chorégraphe allemande, a révolutionné la danse contemporaine en y injectant une profonde humanité. Elle ne créait pas seulement des mouvements, mais des paysages émotionnels. Chez elle, le corps parle, hésite, s’effondre, se relève, oscille entre élan et retenue, entre geste et silence.
Ce qui rend son œuvre si bouleversante ? L’alternance. Une dynamique de pause et de mouvement, comme une respiration collective. Dans ses spectacles, un regard figé, une immobilité, un geste suspendu disent parfois plus que mille mots.
Elle savait que c’est dans l’arrêt que naît la présence. Que c’est le vide qui donne forme au plein.
Ses danseurs ne « jouaient » pas un rôle. Ils incarnaient l’émotion, traversaient le doute, et laissaient la pause révéler la vulnérabilité humaine.
👉 Connaître Pina Bausch, c’est s’ouvrir à une autre lecture de nos rythmes professionnels : et si la grâce et la puissance naissaient justement de nos espaces de latence ?

Le degré en plus : à expérimenter selon votre inspiration
- La micro-pause respiratoire
Quelques respirations profondes, pendant 30 secondes à 1 minute, pour tonifier le nerf vague et calmer le système nerveux.
➡ Calmante, régulatrice - La pause cognitive
5 minutes de déconnexion mentale totale entre deux tâches : fermer les écrans, regarder au loin, laisser vagabonder l’esprit
➡ Libératrice, surprenante - La pause physique
S’étirer, bouger, marcher, changer de posture : relâcher les tensions corporelles pour mieux oxygéner le cerveau.
➡ Dynamisante, ancrante - La pause sociale
Partager un moment d’échange informel avec un collègue ou un proche, sans enjeu ni objectif.
➡ Liante, rafraîchissante - La pause alimentaire
Manger son repas, assis, en pleine conscience. Éviter de « snacker » devant un écran. Donner à son cerveau un vrai moment de repos digestif.
➡ Réparatrice, apaisante - La pause créative
S’accorder du temps sans objectif immédiat pour laisser émerger de nouvelles idées. Lire, dessiner, rêvasser.
➡ Inspirante, joyeuse - La pause de Sens
Prendre du recul sur ses actions ou décisions. Revenir sur une réunion, un projet, une relation.
➡ Structurante, clarifiante
Et ce n’est pas tout, la sieste grande classique de l’été, la pause gourmande ou encore la trêve du ménage, sans oublier la pause coquine ou parfois, s’octroyer le plaisir de couper vraiment, c’est déjà un acte de soin. Et vous, quelle pause vous appelle aujourd’hui ? Celle du corps, du cœur ou du sens ? Partagez-nous vos rituels, les plus sérieux… ou les plus inattendus !

